Après la crise sanitaire et ses nombreuses visios, les vacances estivales et le fourmillement propre à la rentrée de septembre, il était grand temps de se rencontrer à nouveau ! La dernière visite inspirante nous avait amené·es à Tours, pour découvrir l’équipe du Bateau Ivre, cette fois-ci cap vers l’Indre. Ce 14 octobre, les Porte-Voix ont donc affronté la pénurie de carburant pour naviguer vers Le Blanc. La destination ? Carte Blanche, un lieu qui suscité notre curiosité depuis quelques temps. A la fois intriguant, inspirant et surtout en plein déploiement !
Au programme, la découverte du lieu, de son histoire et de son collectif bien-sûr ! Mais aussi un temps sur le recensement de la part citoyenne du Centre-Val de Loire et sur l’essence des lieux d’activation citoyenne !
Nous avons été accueilli·es par nos hôtesses de la journée, Emie Perroquin, animatrice et coordinatrice du tiers-lieu et Claire Moreau, co-fondatrice de l’association d’éducation populaire Kaléidoscope. Toutes les deux sont fortement impliquées et actives depuis les prémisses de Carte Blanche.
Plus qu’un accueil, Claire et Emie nous ont accompagné·es toute la journée, et elles nous ont connecté·es au lieu et à ses habitant·es. Nous devons préciser que le vendredi, à Carte Blanche, c’est le jour du repas de coworking concocté par le restaurant associatif qui fonctionne grâce à de l’énergie bénévole enthousiaste et citoyenne ! Une cuisine gourmande et locale, un vrai régal ! Le repas a aussi été l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes inspirantes, qui font vivre le lieu chacune à sa manière : qui y travaille, qui s’y engage, qui vient y manger, qui y est de passage… D’autant que l’équipe de Carte Blanche a concocté une petite surprise… Nous avons pu explorer à chaque table, de manière joyeuse, ludique et passionnée, la (ou les) recette(s) d’une mobilisation citoyenne réussie.
La création de Carte Blanche est à replacer dans un contexte plus large de désertification des territoires ruraux. Claire est présente dès les commencements du projet, via Kaléidoscope. Elle nous fait remonter avec elle dans l’histoire du collectif. En 2018, la fermeture temporaire de la maternité du Blanc est annoncée. Cette fermeture présage une fermeture définitive, et un collectif d’habitant·es se met en place pour l’empêcher. Il s’appelle « Cpasdemainlaveille » : un nom qui témoigne de l’urgence à lutter pour un maintien du service public dans le bassin de vie et dans toutes les ruralités, pour ne pas jouer le jeu de la dévitalisation de ces territoires.
Claire se souvient : “ A quelques-uns, on décide d’organiser une manifestation sur le pont, avec un accouchement mis en scène en direct. On voulait faire quelque chose, et que la France entière sache ce qui se passait et que ça se passait dans d’autres endroits. Ce que peu de gens savaient.“
Ce collectif a mobilisé beaucoup de citoyen·nes. La maternité est occupée pendant 12 jours, et chaque jour, plus de 300 personnes passent : la dynamique fédère. Le collectif « Cpasdemainlaveille » n’est pas parvenu à empêcher la fermeture de la maternité, mais le combat pour préserver une vitalité sur le territoire continue sous une autre forme : celle de l’investissement et du déploiement d’un lieu qui s’appellera « La maison amicale » (en référence à l’ancienne maison médicale dans laquelle ils se trouvent), avant d’être à terme baptisé Carte Blanche.
Lorsque le collectif arrête l’occupation de l’ancienne maternité, beaucoup d’habitant·es souhaitent que cette dynamique continue. Les propriétaires de l’ancienne maison médicale proposent alors à Kaléidoscope et au collectif de s’en emparer. Ce bâtiment de 650 m² se situe en face de la maternité, l’idée étant que le collectif puisse occuper l’endroit jusqu’a que la maison soit vendue. Le lieu trouvé, la préfiguration de ce qui deviendra plus tard Carte Blanche commence !
Ainsi 18 mois d’expérimentation débutent : le projet trouve des allié·es et des soutiens rapidement : AG2R La Mondiale, la Région Centre-Val de Loire avec le dispositif « A vos ID » et France Relance. Le lieu est aussi labellisé « Fabrique de territoire ».
Il y a quelques mois, Carte Blanche a franchi un cap important puisque les propriétaires du bâtiment ont eu la proposition d’un acquéreur potentiel. Allié·es à Carte Blanche depuis le début, les propriétaires ont proposé au collectif de se positionner : il a la priorité sur la vente. Le collectif a eu deux semaines pour prendre sa décision sur le rachat des locaux… et il a dit oui !
Parmi les défis qui ont été surmontés à ce moment-là : prendre une telle décision en si peu de temps, et réussir à mobiliser une communauté de donateurs et de prêteurs.
“La force de carte blanche, c’est qu’il y a du monde autour. Ce sont environ 200 adhérents dont 30 ou 40 bénévoles actifs. Sans compter tous ceux qui utilisent le lieu” – Claire
L’achat du lieu a également obligé le collectif à se positionner sur le statut juridique pour porter Carte Blanche : association, SCOP, SCIC ? Les débats ont eu lieu et le choix a été celui de l’association. Ce point a particulièrement intéressé les Porte-Voix.
Ce qui ressort de ce lieu c’est l’expérimentation permanente : les projets et les initiatives foisonnent de tous côtés. Ainsi, ce lieu s’ouvre aux opportunités et permet de nouveaux possibles. Il en ressort une énergie revigorante, proportionnelle à la mobilisation des habitant·es qui se battent pour maintenir la vitalité de leur territoire. Cette expérimentation connecte et développe les différentes initiatives qui ne demandent qu’à foisonner. Ainsi, l’association “Affiche ta couleur” dispose d’un local pour des ateliers inclusifs avec les personnes en situation de handicap. La ligue de l’enseignement développe un infolab et accompagne les jeunes générations dans le développement de leurs projets. Face au constat de l’exclusion numérique et sociale, Emmaüs Connect propose des ateliers pour lutter contre l’illectronisme, particulièrement bienvenues dans un territoire vieillissant. La radio associative « Dynamo », fraîchement sur les ondes, s’y est également installée. Et Carte Blanche est aussi un point de vente pour les artisan·es ou les producteurs alimentaires locaux.
“Le projet m’a parlé, parce que c’était un projet naissant, où il y avait de la place pour expérimenter, pour faire pleins de choses. J’y rencontre plein de gens cool ! C’est un lieu dans lequel on fait des choses, avec des réflexions très profondes !” – Emie
En somme, Carte Blanche expérimente les possibles en permanence, l’histoire n’est pas écrite à l’avance, le lieu reste appropriable ce qui permet d’y laisser jaillir la vie.
Parmi les missions que se sont données les Porte-Voix – activateurs de citoyenneté, celle de rendre tangible la part citoyenne du Centre-Val de Loire pour guider ou inspirer toutes celles et ceux qui souhaitent aussi prendre leur part. Les Porte-Voix travaillent donc sur une base de données collaborative qui identifie les lieux d’activation citoyenne, les initiatives citoyennes et les ressources guides made in CVL. Un formidable outil pour témoigner aussi de la richesse citoyenne qui existe en région ! Nous en sommes aux prémisses et chacun·e peut y contribuer. À Carte Blanche, les Porte-Voix ont joué le jeu et partagé leurs ressources lors d’un atelier à forte émulation citoyenne ! Aujourd’hui, vous pouvez d’ores et déjà découvrir les premiers lieux sur la carte collaborative de la Part citoyenne. Bientôt nous y retrouverons les initiatives et les ressources guides de nos territoires..
Envie de découvrir les lieux repérés ce jour-là ? Depuis la carte, faites un focus sur le département de l’Indre – Vous verrez c’est foisonnant !
Enfin si l’envie vous prend, allez, vous aussi inscrire vos lieux d’activation citoyenne préférés !
Ce jour-là à Carte Blanche, les Porte-Voix se penchent sur ce qui fait l’essence des lieux qui activent la citoyenneté. Quels ont été les lieux et les espaces qui, individuellement, nous ont forgé·es en tant que citoyen·nes ? Quel principe “actif” y a réveillé notre part citoyenne ?
Cet exercice nous aide à préciser et à partager ce que chacun·e entend par “activation citoyenne”. Les visions sont multiples car le réseau régional des Porte-Voix joue la carte de la diversité, d’où l’importance de croiser nos points de vue, de parler d’où l’on vient, de préciser nos parcours.
Ecole, famille, mouvement d’éducation populaire, cadre de travail, université, espace public, marché, réseaux, projet partagé, association, communauté de quartier ou de village, etc. Pour les Porte-Voix présent·es, notre conscience citoyenne ne s’est finalement pas toujours forgée dans des lieux particulièrement “innovants”. Ce qui invite à avoir une dimension large de ce que l’on entend par lieux d’activation citoyenne.
L’échange sur les principes actifs de l’activation citoyenne de ces lieux et moments a également été dense. On retrouve dans plusieurs témoignages la question de la (ré)appropriation et la (ré)invention du territoire, celle de l’identification et de l’incarnation à travers des valeurs. La notion de ce qui met en mouvement, les moteurs de l’engagement, est également un axe fort des prises des paroles.
Cette matière précieuse nécessite encore de décanter et d’être remodelée pour en extraire de manière claire et limpide ce que l’on entend par l’essence de l’activation citoyenne. Mais nous pouvons d’ors et déjà vous partager, sous la forme d’un schéma, un extrait de cette boîte de pandore de l’engagement !
À suivre !
Nous ressortons de cette journée sur le terrain … hautement ressourcé·es et conforté·es dans l’importance de visiter des lieux inspirants et de rencontrer les personnes qui les animent ! Plusieurs personnes ont rejoint les Porte-Voix ce jour-là, et se sont pleinement impliquées dans les chantiers du réseau. Se voir en vrai aide à se connecter et à se rencontrer… Bref, on recommencera. À vos idées pour les lieux à visiter !
Un mot de la fin ? Une phrase de Stéphane, sujet à méditer 🙂
“Dans « Tiers-lieu », le mot « lieu », il prend trop de place. Il faut prendre en compte le capital matériel, mais aussi le capital immatériel ” – Stéphane
On en reparle bientôt dans une prochaine séquence des Porte-Voix ?